Estonie, plaisirs d’essence sur la frontière russe

Publié le par Stephandero

A Narva, on fait la queue pendant plus de deux jours pour passer en Russie. Car l’essence est beaucoup moins chère de l’autre côté de la frontière.

Truck_queue_in_Narva_2007.jpgSelon Vladimir Mizui, le directeur de la société Transservis-N, qui appartient à la ville de Narva et gère le transit à la frontière russo-estonienne, seules 5 % des personnes qui font la queue pour passer côté russe y vont comme touristes ou pour les affaires. Tous les autres vont à Ivangorod [la ville russe voisine, située de l’autre côté de la frontière], où les stations d’essence ont poussé comme des champignons, pour faire le plein et retourner ensuite à Narva. La raison principale de ce commerce est l’augmentation du chômage en Estonie. En Russie, l’essence est presque deux fois moins chère qu’en Estonie. De plus, le passage est plus facile pour ceux qui possèdent le passeport gris [attribué aux russophones, c’est-à-dire 95 % de la population de Narva] : ils n’ont pas besoin de visa pour entrer en Russie.

Auparavant, beaucoup d’habitants de Narva gagnaient leur vie en revendant des cigarettes achetées en Russie, mais ce commerce est désormais plus difficile : depuis juillet dernier, l’importation de cigarettes de Russie a été limitée à deux paquets par personne. A Narva, de plus en plus de taxis roulent désormais à l’essence russe et ne font payer le trajet que 20 ou 25 couronnes estoniennes [1,50 euro]. “Beaucoup de jeunes de Narva sont revenus de Finlande ou de Suède car il n’y avait plus de travail là-bas. Et comme ici il n’y a pas de travail non plus, ils sont chauffeurs de taxi”, explique Mizui.

Un homme de 43 ans au chômage est benzovoz, c’est à dire transporteur d’essence. “La vente d’essence russe, c’est un peu le même genre que la contrebande que les cigarettes, explique-t-il. Aujourd’hui, beaucoup le font. Avec un plein, ils gagnent de 500 à 700 couronnes [de 33 à 46 euros].” Il raconte qu’il lui faut deux jours et demi d’attente dans la queue pour traverser la frontière. “Quand je reviens d’Ivangorod, je retourne aussitôt dans la queue. Je ne fais pas plus de dix voyages par mois. Les bons mois, on peut gagner entre 3 000 et 4 000 couronnes [de 200 à 260 euros].”

Un système de tickets de queue a été établi, avec deux manières de traverser la frontière. La solution rapide, utilisée surtout par ceux qui vont plus loin qu’Ivangorod, consiste à payer 300 couronnes [20 euros] et à acheter, deux ou trois jours à l’avance, un ticket qui garantit le passage à la frontière à une heure fixe. Les benzovoz, quant à eux, n’ont pas les moyens de payer cette somme. Mais ils peuvent faire la queue de chez eux. Pour cela, ils retirent un ticket chez Transservis, sur lequel est noté le numéro de leur place dans la queue et l’immatriculation de leur voiture. Ils suivent le mouvement de la queue depuis leur ordinateur et, lorsque leur tour arrive, ils vont en voiture jusqu’au point de contrôle, et ensuite à Ivangorod. Mais les trafiquants d’essence craignent que tout cela ne dure pas. “Le gouvernement peut mettre fin à ce système à n’importe quel moment, comme ça a déjà été le cas avec les cigarettes. Si le transport d’essence est limité, la criminalité va s’installer. Quand il n’y a pas d’argent, la criminalité augmente.”

Publié dans Faits divers

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F
<br /> Je ne sais vraiment pas quoi dire....<br /> <br /> <br />
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