Personnalité estonienne: Karl Ristikivi

Publié le par Stephandero

Quoi de plus normal que de démarrer cette rubrique par l'auteur des mots utilisés pour la description de ce blog:

Meie juured ei ole lapsepõlves,
Kodumullas ja maakamaras,
murukoplis,
kus aabitsalapsed mängivad.
Meie juured on igas paigas,
kust me kunagi mööda käinud.


Nos racines ne sont pas dans notre enfance,
dans le sol natal, dans un lopin de terre,
dans la prairie enclose
où jouent les enfants de la maternelle.
Nos racines sont en chaque lieu
que nous avons un jour traversé.


Ces quelques phrases sont un extrait du recueil "Le Chemin de l'Homme", écrit en 1972 par un des plus grands romanciers estoniens du XXe siècle, prénommé Karl RISTIKIVI (1912-1977).

Jusqu'à l'age de 14 ans, il vécut près de Varbla (Läänemaa), sur cette partie de la côte ouest de l'Estonie qui fait face à l'ile de Saaremaa, où aucune ville n'est importante.  Dans un foyer composé d'une femme célibataire, acceptant les travaux les plus humbles pour subvenir à leurs besoins, et de son fils unique, Karl RISTIKIVI connait une incessante errance, avec de multiples déménagements. En 1920, il devient pensionnaire à l'école primaire et se stabilise; mais il souffre des humiliations à cause de son statut d'enfant sans père. Là, il apprend à lire tout seul et dévore tout imprimé passant à sa portée de "Croc-Blanc" à "Tarzan". En 1927, grace à l'aide d'un riche parent, il poursuit ses études à l'école de commerce de Tallinn et découvre, émerveillé, cette ville. Diplomé en 1932, il commence alors à écrire des feuilletons, des livres pour enfants et une serie de 3 romans: le Feu et le Fer (1938), la Maison du Juste (1940, et réédité en 1943 sous Dans une Maison Etrangere) et le Jardin (1942). Le premier de ces 3 romans lui vaut l'honneur sensible d'un article de A.H.Tammsaare dans Rahvaleht, le présentant comme son digne successeur.
Enrolé dans l'armée allemande, Karl RISTIKIVI déserte en 1943 afin de fuir tant le nazisme que l'invasion soviétique, gagne la Finlande puis la Suede (il y vivra le reste de ses jours) où il peint avec nostalgie l'atmosphère des dernières années de l'Estonie indépendante (Tout ce qui fut jamais, 1946 ; Il ne s'est rien passé, 1947). Il livre ensuite un singulier roman onirique (la Nuit des esprits, 1953) considéré unanimement comme son chef d'oeuvre et l'un des textes les plus importants de la littérature estonienne, exprimant l'angoisse fondamentale de l'homme étranger au monde.
A partir des années 1960, il fait le choix inattendu de ne plus consacrer d'oeuvre romanesque à son pays natal; ses dix romans historiques (dont l'Etendard en Flammes) se déroulent en majorité au Moyen Âge et en Europe occidentale ou en Méditerranée. L'Estonie n 'y apparaît pas non plus entre les lignes, ni métaphoriquement; seules de rares allusions l'évoquent. C'est que Karl RISTIKIVI était allergique au militantisme et, quoique patriote, n'avait rien d'un nationaliste. En revanche, dans ses romans historiques, il mène une réflexion systématique sur l'Europe, ses racines et ses idéaux: il les situe au Moyen Âge plutôt que dans l'Antiquité classique, accorde une place majeure à l'héritage chrétien et, en bon Estonien, à la diversité culturelle du vieux monde, mais surtout il souligne que l'Europe ne vit que par son combat toujours renouvelé contre les Empires qui ne cessent de la menacer.
Il écrira par la suite un recueil de nouvelles et un recueil de poèmes marqué par la douleur de l'exil (le Chemin de l'homme, 1972), avant de décéder en 1977.

Publié dans litterature

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